Je tenais à mettre cet article dans ma page car il démontre de manière assez claire combien les enjeux économiques du net et son accès sont gigantesques...
Le webmaster a été alerté 3 jours à l'avance que MYGALE, son serveur gratuit allait fermer sur RENATER (Réseau de l'éducation nationale) de manière définitive. Très beau coup de pute de la part de l'administration et des politiques.
Seulement voilà FRED le webmaster a su convaincre Havas On Line d'héberger son serveur et a par la même occasion coupé l'herbe sous le pied à ceux qui croyait mygale mort et enterré !
La communauté française lui doit une fière chandelle et je voulais lui tirer un sacré coup de chapeau pour le boulot qu'il a fourni pour ce service si précieux pour nous les internautes.
Et si l'on suit les conclusions de l'article, même si Mygale ne répondait plus aux cahiers des charges de RENATER (à savoir tout ce qui concerne la recherche ainsi que l'éducation nationale), il semble qu'il faille faire respecter en totalité ce cahier des charges en virant également des entreprises "parasites" qui n'ont rien à foutre sur ce réseau non plus...
L'histoire nous demontrera certainement encore ô combien l'administration est pourrie et je suis sûr qu'il n'y aura aucune suite à cela. Mais bon, Mygale n'est mort que trois jours durant alors réjouissons-nous et...

Longue vie à Mygale

ARTICLE PARU SUR LE MOTEUR DE RECHERCHE NOMADE :

  Tout a commencé le 20 mars, un jour apparemment comme les autres dans la vie de l'Internet francophone. Puis la rumeur s'est propagée, par voie de courrier électronique tout d'abord, puis en infiltrant les groupes de discussion, avant de se répandre - irruption de champignons tintinnesques sur une toile soudainement volcanique - par l'apparition en chaîne sur des dizaines de sites d'un logo au message intrigant: la survie de Mygale est menacée.


Mygale? Le serveur aux 6000 sites francophones, cheval de Troyes de l'HTML français sur un réseau d'expression essentiellement anglaise, l'exception qui confirme la règle de l'inertie française dans le monde virtuel? C'est bien d'elle qu'il s'agit, menacée d'extinction pour les raisons mêmes qui ont fait sa formidable popularité: gratuité et diversité.

"Au départ, le but était d'évaluer un ensemble de logiciels et matériels en charge réelle," rappelle dans une lettre Frédéric Ciréra, étudiant en maîtrise d'informatique à l'Université Paris 8 et créateur du site dans le cadre d'un projet de recherche. "L'ouverture du serveur vers une population externe au département et à l'Université était nécessaire pour évaluer la fiabilité du système dans un contexte dynamique [...]. Très rapidement, le serveur Mygale a connu un tel succès qu'il a fallu à plusieurs reprises fermer toute nouvelle création de comptes".

En effet, tout vagabond d'expression française en quête d'asile sur l'Internet trouvait jusqu'à ces jours derniers un foyer sans facture en Mygale. Aucun compte à solder ni à rendre pour installer son site dans un coin du serveur, si ce n'était le respect de quelques principes simples: pas de pornographie, de xénophobie ou d'activité à but lucratif sur les lieux, et l'engagement de ne pas laisser en friche trop longtemps un terrain si généreusement offert. Huit mois après son lancement, Mygale annonce un nombre d'usagers supérieur à 6000 (particuliers, mais aussi associations et écoles), une croissance considérable, propre à susciter le ressentiment de nombreux fournisseurs d'accès aux statistiques plus statiques. Les huit pattes de l'araignée portaient autant de coups à d'importants intérêts commerciaux, et ces derniers ont sans doute fait pression sur le Groupement d'Intérêt Public Renater, le réseau public des universités qui assure la connexion de Mygale à l'Internet, et sur son organisme de tutelle: la Direction Générale de la Recherche et de la Technologie (DGRT). Cette dernière a donc sommé Mygale de plier bagage au plus tôt.

  • Mygale a besoin de vous

    Tel est en résumé le message que découvre une foule d'internautes, par la clameur ameutée sur le "site de crise" ouvert en toute hâte par Frédéric Ciréra. Ce dernier lance également un appel pressant à la résistance, et nombreux sont les doigts à se mettre à son service. Armés de leurs claviers et d'une liste d'adresses, les insurgés montent au créneau. L'avant-garde des "Mygaliens", bientôt grossie d'hébergés de tous bords, prend d'assaut les lignes téléphoniques, fax et répondeurs de l'administration et des médias. Mais c'est sur le réseau que la lutte sera la plus spectaculaire. Depuis le 20 mars, 99% des contributions apportées au forum "Internet et francophonie" du site de Matignon ont trait à Mygale. Les espaces de discussion ouverts par le Ministre des Télécommunications et le Sénateur Trégouët sont eux aussi ensevelis sous les protestations. De cette mobilisation sans précédent, on s'attend à chaque instant à voir surgir le cri de ralliement: "Tous arachnéens!".

    La variété des tons et des styles employés reflète la diversité des plaignants, originaires des quatre coins du monde francophone, sinon de plus loin: de l'émotion (si Mygale est contraint de fermer, c'est un peu de chacun de nous qui sera détruit) à l'indignation (évitons d'interdire Mygale comme nous éviterions d'interdire les compagnons d'Emaüs au profit des grands couturiers du 16ème), de la cajolerie (si le réseau est l'avenir, Mygale est une petite clef pour le futur et c'est bien) au sarcasme (Jacques a dit ... Il faut abaisser la TVA sur les produits multimédia de 20.6 à 5% et développer Internet en France. Résultat: la TVA reste à 20.6%, Mygale, site francophone gratuit, meurt grâce a l'administration française. Oui, mais il avait pas dit "Jacques a dit", donc ça ne compte pas), avec en passant une once d'impertinence (Monsieur le 1er ministre, vous connaissez maintenant Internet par les cours que le Président de la république a dû vous dispenser...). Mais la teneur est invariable d'un message à l'autre, stigmatisant tout particulièrement l'hypocrisie des plus hautes instances de l'État, qui appellent officiellement au développement de l'Internet en France tout en laissant périr l'un de ses fleurons.

    Dûment contactés, les "médias en ligne" et les guides de recherche apportent un soutien conséquent à l'action des Mygaliens, de même que certains membres de la presse traditionnelle. Selon les informations données sur le site, Michel Field prend plusieurs appels téléphoniques relatifs au serveur dans son émission Génération Europe1, avant d'inviter Frédéric Ciréra à s'exprimer à l'antenne. La Dépêche du Midi promet un article mais c'est le Quotidien de la Réunion qui le premier, présente le conflit virtuel sur papier, dans son édition du 24 mars. Au fil des jours, le résumé des actions s'affiche sur les pages de "Mygale en crise".

  • Du bon usage de Renater

    Et pendant ce temps dans le camp retranché de l'administration... Que se passe-t-il dans les bureaux de Renater et de la DGRT? Mystère. Les oreilles doivent siffler sans discontinuer, mais les bouches restent obstinément closes. Ni déclaration ni communiqué, et aucune vague d'explications ne vient troubler l'interface un peu morne de leurs sites respectifs. Le flash nouveautés du serveur de Renater révèle que ce dernier utilise le nouveau réseau TEN34 depuis le 13 mars, mais de Mygale aucune trace. Un séminaire de motivation aurait-il été organisé dans quelque pays chaud? Non, Michel Lartail, directeur du GIP, prend lui-même la communication, pour se cantonner aussitôt dans un mutisme irrité. De "c'est une affaire interne" à "ça ne nous intéresse pas" en passant par le plus adroit "nous pourrions parler de choses autrement intéressantes", la conversation chemine péniblement vers sa chute: "tout ce que vous pouvez écrire, c'est que je ne vous ai rien dit". Dont acte.

    Heureusement, le haut fonctionnaire de la DGRT contacté par la suite se montre plus disert. "Il y a quelque temps, nous dit-il, Renater nous a alertés après avoir constaté un trafic considérable sur le serveur de Paris 8. Nous avons découvert à cette occasion l'existence du service Mygale, qui utilisait à lui seul près d'un quart des deux mégabytes alloués à l'université. Or, Renater est un GIP, lié par des règles très strictes à notre opérateur de services, France Télécom. Si nous sortons des zones définies, il y a une pénalité, et je me voyais mal demander à l'Université de payer un million de francs supplémentaire à cause de Mygale. De plus, il est apparu que ce service exerçait une activité contraire à la charte de Renater, en fournissant à titre gracieux une prestation de type commercial. Cela représentait une concurrence déloyale vis-à-vis d'opérateurs qui auraient pu se retourner contre nous et nous attaquer. France Télécom aurait pu décider de tout arrêter. On ne pouvait pas courir le risque."

    L'argument est de taille, mais les Mygaliens ont déjà riposté depuis plusieurs jours par un lien sur leur site vers une page extérieure consacrée aux abus dont Renater est l'objet. Une quarantaine de sociétés à l'activité parfois fort éloignée de l'éducation et de la recherche semblent en effet avoir accès au réseau public. La DGRT est prompte à signaler que certaines de ces entreprises, comme la SNCF et l'Aérospatiale, bénéficient de conventions passées avec le Ministère. D'autres organismes ouvertement rattachés à Renater, comme la RATP, EDF, Gaz de France, Thomson CSF et Xérox sont probablement du lot. Mais que penser de la présence dans la liste des suspects d'une société de création de sites, d'un vendeur de disques de collection ou encore du site officiel des 24h du Mans? Ne génèrent-ils aucun "trafic commercial"? La DGRT dit ignorer tout de l'existence de ces services. Et d'assurer que tout site contrevenant à la Charte de Renater sera rapidement fermé.

    La notion de "concurrence déloyale" laisse Frédéric Ciréra tout aussi sceptique. "Tous les fournisseurs d'accès que j'ai contactés depuis que je cherche une solution d'hébergement pour Mygale estiment que nos services sont complémentaires. Le fait d'être sur Mygale ne donne pas accès à l'Internet, et les gens qui créent un site chez nous vont au contraire prendre un abonnement pour pouvoir visiter leurs pages." L'attrait de la proposition Mygale réside plutôt dans les 5 Mo auxquels a droit chaque usager. Rares sont les offres commerciales bon marché qui proposent un espace personnel aussi large. Quant aux autres possibilités d'hébergement gratuit, comme celle du Californien Geocities ou du Canadien Tripod, elles portent sur 2 Mo, si ce n'est beaucoup moins.